Rapport sur l’Assemblée canadienne des Quakers (ci-après l’ACQ) pour l’Assemblée mensuelle de Montréal et pour le groupe quaker du Québec francophone.
J’arrive sur un campus tranquille (l’université mennonite du Canada) avec les incertitudes habituelles lorsqu’on essaie de savoir où trouver sa chambre, où se trouvent les espaces de réunion, où se trouve la cafétéria, et ainsi de suite. Je déambule sur un chemin entre les bâtiments et j’y rencontre quelqu’un. Nous parlons de ma présence comme représentant de l’Assemblée mensuelle de Montréal mais aussi du Groupe quaker du Québec francophone. Mon interlocuteur s’avère être quelqu’un qui aura une réflexion intéressante sur les pratiques Quakers canadiennes. Ainsi commence mon engagement avec l’Assemblée canadienne des Quakers, version 2023.
Le dîner était à 17 heures, à la cafétéria. C’était un lieu parfait pour faire connaissance avec les participants. On pouvait s’asseoir n’importe où et initier une conversation. La cafétéria fut donc un moment unique pour faire connaissance avec les gens, surtout que je ne connaissais personne. Le premier soir, le samedi suivant le dîner, il y a eu une séance pour les délégués, qui, je l’ai compris par la suite, était une sorte de pré-réunion afin d’accepter la liste des appellations proposées aux différents comités, y compris les animateurs de l’Assemblée canadienne des Quakers (l’ACQ). Puisque la personne désignée comme présidente de l’assemblée était malade, pour dépanner, Celia Cheatley de l’Assemblée mensuelle d’Argenta a accepté cette responsabilité sous le mentorat de Marilyn Manzer, ancienne présidente de l’ACQ, qui a accepté de rester à ce poste pendant une autre année. À ce moment, Wesley Weima, le représentant de l’Assemblée annuelle des jeunes quakers, a soulevé une question. Les jeunes Quakers notent que la nomination de Celia et Marilyn comme présidentes de l’Assemblée canadienne crée un problème puisque toutes deux font également partie du groupe de travail sur le changement et la transformation durable (ou CETD). Les jeunes Quakers craignaient que cela ne constitue une situation de conflit d’intérêts, concentrant trop d’influence décisionnelle sur les mêmes personnes. Cependant, étant donné le manque de candidats susceptibles d’assumer ces rôles exigeants, il a été décidé d’aller de l’avant mais de revenir sur la question soulevée par les jeunes Quakers, peut-être en modifiant la composition du groupe de travail sur le changement et la transformation durable (CETD). Wesley a également mentionné qu’il y avait des tensions persistantes entre les Jeunes Amis et l’Assemblée canadienne, mais n’a pas voulu préciser davantage ce qu’elles impliquaient. Je voudrais mentionner que même si j’avais lu à l’avance le procès-verbal de l’Assemblée canadienne des Quakers de 2022, de l’assemblée représentative de 2022, les différents rapports des comités, y compris du groupe de travail sur le changement et la transformation durable, ainsi que les correspondances de 2023 et 2022 (tout ça, à mon avis, constituant une grande quantité de matière à assimiler), j’ai eu du mal à comprendre pleinement les nuances de ce qui se passait.
Le matin, un rassemblement intergénérationnel a eu lieu autour de chants et de jeux interactifs afin d’impliquer davantage les jeunes. Au cours des cinq jours, je pense que cela a bien fonctionné pour intégrer les familles au sein de l’ensemble du groupe. C’était amusant et ils ont organisé de bonnes activités. Dans l’après-midi, ils ont tenu une assemblée pour les affaires en mode hybride avec un certain nombre de participants en ligne. Je pense que des personnes de Montréal étaient virtuellement présentes à ces séances, ce qui s’est avéré utile. Cette assemblée a été plutôt procédurale, acceptant les nominations présentées par l’assemblée des délégués. L’assemblée pour les affaires avait lieu tous les deux jours, c’est-à-dire le dimanche, le mardi et le jeudi. Pour des raisons que j’aborderai dans un instant, j’ai été absent à la deuxième rencontre afin de pouvoir participer à la programmation jeunesse. Je pense qu’au moins au Québec, nous devrions réfléchir à une offre de programmation jeunesse; j’ai pensé qu’en participant aux activités destinées aux jeunes de l’Assemblée canadienne des Quakers, j’aurais peut-être des idées sur la façon dont cela pourrait être réalisé. Cela s’est avéré être un faux pas en ce qui concerne l’assemblée pour les affaires, car cette deuxième réunion a soulevé certaines controverses et, du fait de l’avoir manquée, j’ai eu du mal à en reconstituer les enjeux par la suite.
J’ai participé à l’assemblée de partage (“worship sharing”) les deux premiers matins. Les participants ont été répartis en petits groupes; il y avait 5 participants dans mon groupe. Chaque jour, notre animatrice nous donnait une piste de réflexion. J’ai trouvé l’assemblée de partage intéressante et utile, et cela m’a certainement mené à de bons contacts avec d’autres Quakers. Cependant, je me sentais déchiré entre cette activité et les activités du programme pour les jeunes qui se déroulaient en même temps. Le deuxième jour, j’ai trouvé un moment pour m’asseoir avec les enfants plus âgés. Cela m’a permis de les connaître un peu. Le troisième jour, une excursion dans une réserve de nature avait été organisée (simultanément à l’assemblée pour les affaires) et j’ai décidé que c’était l’occasion pour moi de m’impliquer plus à fond dans le programme des jeunes. À cette deuxième occasion, j’ai passé du temps avec les très jeunes enfants et j’y ai vécu une expérience transformatrice dans ma propre vie.
À mon retour, ayant réalisé que j’avais manqué une réunion importante, j’ai parlé à diverses personnes afin d’avoir une idée de ce qui s’était passé. J’ai également tenu à assister à la troisième assemblée pour les affaires le jeudi, où j’ai enfin pu comprendre plus ou moins sur quoi portait la controverse. Selon ma compréhension, probablement partielle et peut-être erronée dans certains détails (voir le procès-verbal de l’Assemblée canadienne des Quakers 2023 pour un rapport plus officiel), il semble que le groupe de travail sur le changement et la transformation durable CETD, qui a eu pour mandat de repenser la pratique quaker canadienne moderne, ait choisi d’organiser l’assemblée canadienne de 2024 à Toronto, alors que la rencontre y serait répartie entre deux lieux distincts, le Toronto Meeting House pour les journées d’ouverture et le Camp Neekaunis pour les dernières journées. Cette proposition n’a pas été accueillie avec enthousiasme par un certain nombre de personnes qui doutent de la capacité d’accueillir un grand nombre de participants (trouver un logement, par exemple) ou de l’adéquation du Camp Neekaunis pour un rassemblement de cette envergure. D’autres semblaient penser que les choses iraient bien suivant la nécessité du moment. J’ai entendu ces deux points de vue. L’ensemble du débat semblait exacerbé par le problème de la diminution des listes de personnes disposées à siéger dans les nombreux comités, et donc par les discussions sur l’utilisation plus efficace des ressources.
Je ne suis pas certain de devoir présenter ici tous les détails de la controverse; il faut consulter les procès-verbaux de l’ACQ pour la version officielle (qui n’est toutefois pas disponible en français pour l’instant). On m’a également dit que l’Assemblée de Montréal s’était rarement engagée avec l’ACQ dans le passé. Personnellement, je pense que c’est dommage. Selon mon point de vue ainsi que suite à ma participation à l’ACQ cette année, mon opinion a été renforcée. Il s’agit en effet d’une communauté dynamique et multiforme regroupant près de 50 assemblées mensuelles et groupes de culte, chacun avec ses propres perspectives et pratiques, mais tous ancrés dans les mêmes terres spirituelles. Plus j’en apprends sur les autres assemblées mensuelles et les autres groupes de culte, plus je deviens fasciné. Il y a tellement de choses à apprendre, simplement en prenant le temps de s’écouter. Je suis également ressorti de mon expérience à l’ACQ avec le sentiment que notre jeune communauté francophone pourrait trouver sa place dans le paysage quaker canadien plus large et qu’il y a des gens à l’ACQ qui sont passionnés par ce projet d’intégration des francophones.
Si je ne comprends peut-être pas entièrement l’origine des tensions présentes à l’ACQ cette année, je comprends que la gestion de nos ressources est au cœur de ce que signifie être un Quaker dans notre siècle, et cela nous préoccupe également à Montréal et même à Québec dans une certaine mesure. J’ai eu aussi une discussion privée très intéressante et prolongée avec un jeune Quaker au sujet de leurs préoccupations. Selon eux, un des défis est le besoin de se concentrer davantage sur les traditions quakers et sur les éclairages divins associés à celles-ci. Comme je l’ai découvert, l’ACQ a tendance à être fortement procédurale, et je pense qu’on y perd parfois un certain ancrage spirituel.
Une partie des discussions en cours sur l’ACQ concernait les rôles respectifs de l’assemblée des représentants. Mentionnons le regroupement en ligne qui gère les affaires de l’ACQ au cours de l’année, celles de l’ACQ elle-même et celles du comité permanent du ministère et de l’accompagnement (MA) de l’ACQ, qui tente de se tenir au courant des questions du MA au niveau national. Avec la consolidation des pratiques en ligne au sein de la communauté Quaker canadienne, il semble probable que ces structures devront être ajustées. Il y a également eu une discussion sur le coût du CYM – la réunion était coûteuse cette année.
Concernant les enjeux francophones, j’ai eu de nombreuses discussions, avec la directrice des communications Holly Spencer et Marilyn Manzer, ancienne présidente de l’ACQ, mais aussi un échange approfondi avec Gwen Anderson, qui fait partie du comité de programmation de l’ACQ 2024, et son partenaire, pendant un dîner. Gwen fait partie de ceux et celles qui se sont particulièrement réjouis de l’engagement croissant des francophones au sein de la communauté Quaker canadienne et des possibilités de trouver les moyens d’accueillir une cohorte francophone importante à l’ACQ, peut-être dès l’année prochaine. Nous avons discuté de l’idée que pour que cela se réalise, il faudrait qu’il y ait des discussions au cours de la prochaine année entre le comité de programme de l’ACQ et les groupes de Montréal et de Québec.
D’ailleurs, je me suis rendu compte au cours de la semaine qu’un nombre important de personnes parlaient français mais ne se présentaient pas ainsi. Globalement, je pense qu’il y a beaucoup plus de locuteurs francophones qu’on pourrait naïvement le croire. Par conséquent, je pense que l’intégration des francophones à l’ACQ pourrait fonctionner. Il pourrait y avoir, par exemple, des assemblées de partage en français qui ne se limiteraient pas au groupe québécois, qui impliqueraient des rencontres avec d’autres groupes. Cela me paraît souhaitable. Les assemblées pour les affaires et certaines autres activités de discussion devraient être bonifiées également par le présence interprètes-traducteurs, coûteux mais importants. La charge de traduction ne peut pas incomber uniquement, ni même principalement, à nos propres membres francophones pour que ceux et celles-ci se sentent accueillis.
Une dernière série de remarques. J’étais également profondément intéressé par le travail du Comité du service des Quakers canadiens et par ce qu’il pourrait offrir, tant à l’assemblée de Montréal qu’au groupe du Québec. Le CSQC, le Comité du service des Quakers canadiens, est actuellement actif dans trois domaines principaux : l’activisme en faveur des prisons, le maintien de la paix et les peuples autochtones. Il y a eu plusieurs excellentes présentations abordant les questions autochtones à l’ACQ qui ont été appréciées, y compris la conférence Sunderland P. Gardner présentée par Richard (Dick) Preston sur le sujet de « La vérité et la réconciliation : un point de vue personnel sur 60 ans d’apprentissage de la culture crie » et une présentation le dimanche soir par un prêtre anglican cri, Vince Solomon, sur le thème “Le mouvement de l’Esprit dans ma vie”. L’accent mis sur la paix est, bien sûr, une conséquence du témoignage de paix que portent les Amis, et c’est la raison pour laquelle je me suis initialement intéressé aux Quakers. Puisque les membres de l’Assemblée de Montréal se sont réunis à plusieurs reprises pour discuter de la guerre en Ukraine, cela rejoint nos propres préoccupations. Les membres du comité de paix du CSQC ont fait une présentation très informative sur la guerre en Ukraine. J’en ferai un rapport à un autre moment car je pense que les Quakers de Montréal et de Québec seront intéressés. Le deuxième domaine d’activité est lié à la position radicale des Quakers selon laquelle les prisons devraient être complètement abolies. C’est toujours une question que je considère comme profondément quaker, puisqu’elle remonte à l’activisme de Margaret Fell dans les premiers jours du mouvement quaker en Angleterre. L’engagement au sujet des questions autochtones me semble un troisième domaine pertinent pour les Quakers, en particulier dans le contexte canadien où le besoin de redresser le traitement réservé aux peuples autochtones par notre pays est si urgent.
Ce qui manque au CSQC, à mon avis, c’est de se concentrer sur les questions LGBTQ+. Je comprends le problème de la diminution des ressources, mais les questions LGBTQ+, à mon avis, sont au cœur de ce que signifie être humain, et Quaker. Si nous voulons que les jeunes restent impliqués, voir attirent de nouvelles personnes, je pense qu’il est non seulement important, mais peut-être essentiel, de se concentrer sur les questions LGBTQ+. De plus, mon expérience à l’ACQ suggère qu’il existe un besoin d’éducation des Quakers canadiens dans ce domaine. J’ai entendu des réactions qui m’ont profondément perturbé concernant mon propre statut non binaire ainsi que concernant l’utilisation des pronoms. J’ai également appris d’un membre gai de Toronto que leur assemblée dispose d’un petit groupe de soutien, mais j’ai compris que l’absence d’un tel soutien à l’ACQ faisait qu’il était difficile pour moi de m’y sentir appuyé et en sécurité. J’ai parlé avec Vince Zelazny, le facilitateur du CSQC et il a mentionné que son comité avait été actif sur la question du mariage homosexuel mais n’avait pas fait grand-chose depuis. À mon avis, de telles actions doivent se réaliser. On me dit qu’une fraction importante de l’Assemblée de Montréal s’identifie comme « queer » - cela me semble une question prioritaire pour Montréal et pour notre éventuelle implication dans le travail du CSQC ainsi que celui de l’ACQ. J’ai l’intention de m’engager auprès du CSQC pour l’atteinte d’un tel objectif.
Lorsque j’ai discuté avec Holly Spencer, la coordonnatrice des communications, de la nécessité d’une présence plus forte de la langue française sur le site web canadien des Quakers. J’ai également remarqué que le site CSQC n’avait aucune mention en français. C’est pour moi un échec majeur. Je ne sais pas si les membres francophones de Montréal ou de Québec voudront s’engager avec le CSQC, mais je pense qu’il y aurait une réelle possibilité que cela se produise si l’infrastructure en facilitait l’accès. Je considère cela comme faisant partie d’une stratégie de recrutement - pour beaucoup d’entre nous, ce sont les positions des Quakers sur plusieurs enjeux sociaux qui nous ont en premier lieu attirés vers les Quakers. Holly Spencer a indiqué qu’elle discuterait avec le responsable du site Web du CSQC pour y développer une présence du français.
Il y a aussi maintenant une prise de conscience croissante à l’ACQ de la nécessité de produire de la documentation en français sur le quakerisme, incluant une version française du document « Foi et Pratique ».
En résumé, l’ACQ est une entité complexe qui permet néanmoins d’accéder à un large éventail de Quakers canadiens ainsi qu’à d’importantes discussions sur l’avenir du quakerisme au Canada. J’ai eu de nombreuses discussions avec des membres d’environ 20 autres assemblées mensuelles et groupes de culte qui ont été très instructives. Certains proposaient des alternatives intéressantes à l’équilibre entre les réunions en ligne et en personne, et à d’autres enjeux qui nous préoccupent à Montréal et à Québec. D’ailleurs, je voudrais encourager davantage les « visites », à la fois en ligne et en personne. J’espère convaincre les membres (et les participants non membres!) de l’Assemblée mensuelle de Montréal et de du Groupe quaker du Québec francophone non seulement des avantages de s’engager avec l’ACQ, mais aussi de son importance vitale pour l’avenir de nos communautés. Aucune assemblée mensuelle ou groupe de culte ne peut véritablement fonctionner sans tenir compte de l’organisme et du contexte national dans sa pratique. C’était en partie la raison pour laquelle je portais l’expression des besoins de la communauté francophone à l’ACQ. Je pense que si le Groupe quaker du Québec francophone trouve un accueil favorable au niveau national, notre capacité à nous épanouir s’en trouvera grandement améliorée. Et il en va de même pour l’Assemblée mensuelle de Montréal.
Finalement, j’aimerais proposer une initiative de l’Assemblée de Montréal et celle de Québec visant un programme de rencontres avec le comité de programmation de l’ACQ 2024 pour échanger sur la promotion d’une présence francophone à l’ACQ; le fait que l’ACQ puisse se tenir l’année prochaine à Toronto me parait particulièrement propice à l’atteinte d’un tel objectif. J’aimerais également qu’il y ait un suivi sur la question de l’amélioration de la documentation en français sur le site Web Quaker.ca, celui du CSQC ainsi que l’accès à d’autres documents imprimés en français. Cependant, je ne sais pas comment procéder afin de garantir que cela se produise. Et troisièmement, j’aimerais que se réalise un suivi sur la question des problèmes de soutien et de sécurité LGBTQ+ au sein de la communauté Quaker canadienne, idéalement initié ici par nos assemblés.