Cette page contient une traduction de quelques extraits de deux documents clés de l’Assemblée annuelle canadienne (un organisme qui regroupe les quakers au Canada): Foi et pratique (Faith & Practice) et Organisation et procédure (Organization and Procedure).
- Foi et pratique de l’Assemblée annuelle canadienne
- Organisation et procédure de l’Assemblée annuelle canadienne
- Conseils et questions du Groupe languedocien de l’Assemblée de France
Foi et pratique de l’Assemblée annuelle canadienne
Introduction « Faire l’expérience de l’Esprit : notre foi »
De l’introduction au livre de Faith & Practice (Foi et Pratique) de l’Assemblée annuelle canadienne, la citation suivante se réfère à la « Lettre des Aînés recueillie en assemblée à Balby, 1656 » (pour le texte intégral, voir l’annexe A de Faith & Practice (Foi et Pratique) de l’Assemblée annuelle canadienne).
L’épître comprend un ensemble d’attentes jugées nécessaires pour le nouveau mouvement croissant. De ces conseils, les éléments de base restent toujours essentiels à notre pratique, bien que trois siècles et demi soient passés :
- une organisation pratique des assemblées pour le culte tenues dans l’esprit;
- soins pastoraux;
- une vie familiale responsable;
- une vie corporative responsable, y compris l’enregistrement minutieux de mariages, naissances et décès;
- la responsabilité sociale dans son travail et dans la vie publique.
Une tradition vivante se développe cependant, conservant le meilleur de son passé tout en s’adaptant aux besoins du présent. Les assemblées annuelles qui se sont formées à mesure que le temps passait, établies dans les pays lointains par les Amis ainsi qu’en Grande-Bretagne, ont estimé sage de fournir des conseils écrits pour les fidèles dans des situations nouvelles et imprévues. Elles incluaient non seulement des conseils sur le comportement extérieur, mais aussi des conseils pour nourrir la vie intérieure et favoriser la croissance spirituelle. Afin qu’un livre de discipline soit utile pour promouvoir l’apprentissage, il doit refléter les attitudes, les vécus et les défis d’un groupe donné d’Amis dans un temps et un lieu spécifique. C’est le but du livre Canadian Faith & Practice (Foi et Pratique canadienne).
Pour les Amis, la foi jaillit en cherchant ce que George Fox et les premiers Amis décrivent comme la Lumière Intérieure, la Semence, la Vérité, la Vie, le Puissant, le Christ intérieur – sous des noms divers indiquant une conscience intérieure par laquelle ils embrassent et vivent le Sacré et par laquelle ils seront guidés. Attendant en silence l’appel d’un ministère vocal, ils découvrent une force qui les appelle à témoigner leur foi intérieure. Les Amis ont trouvé l’inspiration dans le message chrétien et dans le rôle et l’importance de Jésus, mais le cœur de cette foi met l’emphase sur le vécu intime du témoignage et de l’expérience intime d’un mode de vie qui est au-delà des credos et des doctrines, inspirant ainsi les Amis à vivre leur foi dans chaque geste quotidien.
Comme l’a dit George Fox : « Nous n’avons besoin d’aucune messe pour nous enseigner, car cet Esprit qui a donné l’Écriture nous enseigne à prier, chanter, louer, nous réjouir, honorer et adorer Dieu, et comment vivre, agir, et se comporter envers Dieu et l’homme. Il nous conduit vers la pleine vérité, dans laquelle se situe notre unité. C’est Lui notre consolateur, guide et chef, pas ces hommes d’ici-bas qui, à vrai dire, n’ont ni l’esprit ni le pouvoir des apôtres » (Épître 171, 1659).
« Pour les quakers, la rencontre avec le Sacré se fait à l’intérieur, et l’inspiration de cette rencontre peut être trouvée dans la Bible, dans la foi chrétienne, dans les témoignages d’autres Amis, par le discernement individuel et collectif et par notre relation avec d’autres traditions de foi et avec le monde naturel. Cependant, l’expérience fondamentale est que la Vérité est atteinte au-delà des mots, dans le calme, dans le cœur de tous ceux qui cherchent Dieu ».
Chapitre 1
1.8. Notre vie est amour, paix et tendresse; se guider et se soutenir les uns les autres, en se pardonnant, en ne se mettant pas en accusation, mais en priant pour l’autre et en lui tendant une main pleine de tendresse. — Isaac Penington, 1667
1.10. Les âmes humbles, douces, miséricordieuses, justes, pieuses et dévotes sont partout d’une seule religion; et quand la mort aura soulevé leur masque, elles se reconnaîtront les unes les autres, bien que les divers habits qu’elles portent ici-bas les rendent étrangères. Ce monde est une forme; nos corps sont des formes, et aucun acte de dévotion visible ne peut être sans formes. Pourtant, en religion il vaut mieux avoir moins de forme, car Dieu est Esprit; plus notre culte sera spirituel, plus il sera approprié à la nature de Dieu; plus il sera silencieux, plus il sera adapté à la langue d’un Esprit. — William Penn, 1693
1.12 Il y a un principe qui est pur, implanté dans l’esprit humain, qui porte des noms différents selon les lieux et les époques. Il est cependant pur et procède de Dieu. Il est profond, intérieur, non confiné à aucune forme de religion, ni exclu de celui dont le cœur est sincère. Chez toutes personnes il prend racine et grandit, peu importe la nation, et les rend frères dans le meilleur sens de cette expression. — John Woolman, 1762
1.20 Il me semble que la foi est optimisme et joie, à l’opposé du désespoir et de la résignation. Même dans la première moitié de ma vie, qui était dépourvue de toute pratique religieuse, j’avais la foi — mais je ne le savais pas. C’était une question d’interprétation, de terminologie, ainsi que de curiosité, et je reste un chercheur.
Je pense à la foi en Dieu comme à une sorte de version humaine de l’instinct : la Lumière Intérieure ou, comme disent les Autochtones, « les instructions du Créateur ». Le culte silencieux quaker peut révéler cette partie de nous, droite et naturelle, et je suis reconnaissant d’en avoir connu le mystère. J’ai trouvé que ce recentrage me relie aux sentiments de justice et d’égalité que je nourris depuis l’enfance, mais dont je ne savais pas trop quoi faire, me poussant à en faire mes agissements. — Edith Miller (1998)
1.23. Chercher la volonté de Dieu… n’est pas le propre des quakers. Le souci de la condition humaine est une notion très développée chez les humanistes. Reconnaître que les affamés doivent être nourris, les malades guéris, les pauvres réconfortés n’est pas seulement une injonction judéo-chrétienne, bien qu’elle en fasse partie. Les quakers sont reconnus pour savoir qu’un peu de pratique vaut beaucoup de prêche. En d’autres termes, la philosophie de l’amour du prochain doit être mise en pratique et extravertie. On n’atteint pas le Nirvana en y pensant, mais en s’oubliant suffisamment afin d’agir pour les autres. Plutôt que de se réfugier hors de l’humanité, on se voit intimement lié à elle et capable de faire quelque chose pour l’améliorer. Pour citer William Penn, la sainteté n’isole pas les hommes du monde, mais leur permet d’y vivre mieux en sollicitant leurs efforts pour le réparer. — Betty Hurst, 1971
1.34. En tant qu’Ami, je sais que l’Esprit peut et sera atteint de la manière la plus simple : être assis ensemble en silence. Alors, pourquoi est-ce que je continue de chanter, de danser et de m’habiller et de raconter l’histoire? D’abord parce que ces activités me donnent de la joie. De plus, ce sont des outils religieux. La musique, le mouvement et les symboles des histoires me parlent, corps et âme. L’énergie coule à travers moi; Je m’ouvre et j’entends cette Voix Intérieure. J’apprécie la joie de me connecter et de jouer avec les autres et de me sentir comme faisant partie de tout ce qui vit. — Susan Dew-Jones, 2000
1.58. Le discernement spirituel est au cœur de la foi et pratique des Amis. Il se fonde sur leur conviction centrale que l’expérience et le soutien de Dieu sont disponibles à chaque personne, directement ou par médiation. Le discernement est ce que nous permet de distinguer le véritable mouvement de l’Esprit qui s’adresse à nous pendant le culte, de l’impulsion humaine de partager, d’instruire ou de remettre sur la bonne voie. C’est cette capacité de distinguer la volonté de Dieu qui mise en pratique nous oriente dans la conduite de nos affaires et lors de situations complexes ou difficiles. C’est la capacité d’entrevoir chez les gens, les situations et les possibilités, ce qui est de Dieu et ce qui provient de nombreuses autres sources en nous-mêmes — et parfois des deux ensemble. C’est ce don faillible et intuitif que nous utilisons pour essayer de discriminer la voie vers laquelle nous sommes personnellement dirigés par Dieu dans une situation donnée, de nos autres impulsions et de nos jugements de conscience en général. — Patricia Loring, 1992
1.59. Le fil qui a tissé mon parcours spirituel au cours des dix dernières années fut d’accepter et de suivre les appels, même si la façon de les accomplir n’était pas toujours claire. Selon mon expérience, je reçois ce que je dois savoir afin de passer à la prochaine étape. Rester fidèle et les choses deviendront claires… Après avoir discerné le bon chemin, je peux chercher les pas à suivre avec un sentiment de confiance, quelque peu étonnée. — Elaine Bishop, 2001
1.61. J’utilise souvent et consciemment une méthode quaker de discernement : à la fois, répondre à ce qui me guide et chercher activement pour voir comment s’ouvre la Voie. Rester toujours réceptive à reconnaître où me mène l’Esprit. — Betty McInnes, 2001
1.66. Il est bon de se rappeler qu’en essayant simplement de discerner ce qui se meut en nous, nous nous rapprochons de Dieu.
Je ne conçois pas Dieu comme un être ayant des attributs personnels. Par conséquent, je ne cherche pas ni ne ressens le besoin de me faire pardonner de Dieu quand je fais des fautes, mais je peux ressentir l’esprit de Dieu travailler chez les autres lorsqu’ils me pardonnent mes erreurs. — Lynne Phillips, 2001
1.68. La seule façon avec laquelle je peux comprendre qui je suis et comment je dois vivre est de me considérer comme étant conduite. Je n’ai pas souvent eu des appels, jamais de faisceau de lumière qui m’a parlé, mais j’ai le sentiment tranquille d’être conduite. La clarté que je ressens est en relation avec un sentiment profond qui consiste à chercher et à trouver des évidences de « vérité divine » dans ma vie… Je suis absolument certaine de n’avoir pas remarqué certains appels. J’espère que je serai prête à partir avec la prochaine marée ou la prochaine « brise rafraîchissante ». — Jerilynn C. Prior (1992)
1.100. George Fox a demandé : « Que pouvez-vous dire? » — pour les Amis, cette question s’inscrit toujours dans nos vies et notre expérience spirituelle; En vérité, nous sommes le texte. L’Ancien Testament démontre l’activité millénaire de Dieu dans sa création, perçue par le peuple hébreu. Leurs « héros » et « héroïnes » sont très humains et, à travers leurs imperfections, nous pouvons traverser les temps et les cultures et nous reconnaître dans les sentiments et les expériences humaines consignés dans ce texte. — Anne Thomas, 1992
1.110. Lorsque nous sommes nourris jusqu’à nos racines par n’importe quelle tradition, les vérités de tous les autres nous deviennent disponibles. Quelqu’un qui rejette d’emblée la tradition chrétienne ne s’est pas encore nourri assez profondément de sa propre tradition religieuse. — Rachel Britton, 2004
1.111. Si j’étais un yogi, je chercherais le samadhi, ou la transcendance. Si j’étais bouddhiste, je chercherais à atteindre le nirvana. Mais ce n’est pas le cas. Je suis un Quaker, un Ami. Ainsi, je cherche à être parfait : être entier, aimer pleinement comme je suis aimé. Ainsi, je cherche vraiment à connaître et à répondre à ce « quelque chose de Dieu » en moi-même et dans chaque personne que je rencontre. — Margery Post Abbott, 2002
On ne doit pas être surpris alors que les écrits recueillis dans le livre canadien de Foi et pratique expriment différentes façons de comprendre la foi quaker, se rangeant tout au long d’un continuum chrétien-universaliste. Ces extraits doivent être lus de la même manière que nous écoutons le ministère vocal. Même s’il ne correspond pas à nos propres croyances, plutôt que simplement rejeter un message, nous devons l’accueillir afin de confronter la force et la validité de nos propres convictions. C’est un moyen d’élargir notre vision. Aussi on ne doit pas être surpris de trouver, dans cette collection, des différences entre le langage des premiers quakers fondateurs, principalement de l’Angleterre du 17e siècle, et les écrits d’Amis d’ici, alors que les premières assemblées canadiennes ne datent que du 19e siècle. — Assemblée annuelle canadienne (2011), Faith & Practice (Foi et Pratique) — Introduction, page 3.
Chapitre 3
3.12. Un fil constant traverse mes certitudes et mes incertitudes, toutes changeantes qu’elles soient. C’est dans le culte que s’établit mon lien avec Dieu. Le culte est essentiel à nos vies, ensemble. Chacun de nous a sa propre expérience de la profondeur. Pour moi le point de mire varie. Il peut y avoir des expressions intérieures d’action de grâces, ou d’adoration. Peut-être une lutte pleine de colère ou de désespoir, une prise de conscience du fait que je n’ai pas parlé ou agi dans la Lumière; une recherche de clarté en matière de foi ou d’action. Souvent, mon « mental de singe » continue ses folies. Mais si je suis fidèle, il est temps de le calmer. Mettre de côté mon propre agenda; attendre tranquillement en présence de Dieu, avec une courte prière pour ouvrir mon cœur. Afin d’accepter et de respirer le parfum de l’Esprit — ou être étonné par une nouvelle conscience de ce qui est requis pour moi lors de mon voyage spirituel. Au mieux, même si ce n’est que pour un moment, je me sens entier, uni à Dieu. — Muriel Bishop Summers (1995)
3.15. Comme l’Auteur de tout Bien continue de temps en temps à ouvrir parmi nous la source du ministère vivant, il est souhaité avec ferveur que les ministres et les aînés puissent demeurer sous l’influence Divine afin de pouvoir discerner si les offrandes proviennent de la bonne source ou s’ils n’en proviennent pas. Ainsi se qualifiant en pères et mères aimants auprès de ceux qui sont nouveaux dans le ministère, c’est avec douceur et sagesse, en les conseillant et en les encourageant à demeurer dans l’abandon simple et patient à la volonté de Dieu, et à garder eux-mêmes dans leur propre cœur une ouverture à l’amour Divin afin d’être les témoins de la croissance de leurs dons. — Discipline, Genesee Assemblée Annuelle des Amis (1885)
3.19. Au début, je suis très conscient de la beauté de cet endroit. La chaleur et le soleil d’un glorieux jour d’automne; l’ombre tachée dans laquelle nous nous asseyons. J’entends le bruissement des feuilles, le bruit des voisins qui discutent dans leur jardin, une porte qui claque et des cris d’enfants au loin. Mais peu à peu, le silence s’intensifie. Je suis moins conscient de mon environnement. Je remarque à peine quand quelqu’un se lève et fait signe aux enfants. Un bruissement de pieds sur l’herbe. Un murmure. Le temps semble suspendu. Ensuite, quelqu’un parle de la recherche de Dieu dans nos vies. Le silence revient. Parfois, je ressens un sentiment de paix profonde et d’intemporalité, et un aperçu d’une expérience religieuse profondément émouvante, de Dieu au milieu de nous. D’autres fois, je suis trop conscient des distractions et de la durée du silence. Une autre personne parle de ce que ce groupe signifie pour lui. Encore plus de silence. Puis, tout à coup, l’heure est passée. Nous serons la main de ceux qui sont de chaque côté de nous, nous présentant, discutant, s’étirant, rassembler les enfants, ou aller à la cuisine pour commencer le déjeuner. Le sort en est jeté. Mon premier culte quaker est terminé. — Margaret Springer, 1978
3.23. Quand j’écoute un ministère vocal, j’essaie d’entendre ce « quelque chose de Dieu » à travers les mots et pas nécessairement à travers le langage utilisé. Le ministère vocal me rend heureux, je pense qu’il peut éclairer une assemblée, s’emparer du soi de chacun, et ce, d’une telle manière que l’on n’écoute plus les individus qui parlent, mais bien l’Esprit qui s’exprime en eux. Que le langage soit christocentrique ou origine de sentiments personnels, je peux toujours « écouter », non pas avec mes oreilles, mais avec l’Esprit qui est en moi. C’est ce que je tente de faire pendant les assemblées, parfois j’y réussis mieux que d’autres fois, mais j’essaie.
Une des choses les plus profondes que font les Amis pendant une assemblée de culte, c’est d’écouter, en soi et chez les autres, l’Esprit, Dieu, la Lumière, Jésus, peu importe comment vous l’appelez. Vous maintenez les autres dans la « lumière » – pas pour intellectualiser leurs paroles, mais pour les écouter de tout votre être. Enlever donc les mots, la langue, l’intellect, le moi, afin de rejoindre de Divin. Il n’y a pas de solution rapide et facile à l’écoute d’un message et à la façon de le recevoir : C’est aussi désordonné et imparfait que la condition humaine. — Rachael Maxcy (2003)
3.28. La communauté nous rappelle que nous sommes appelés à aimer. La communauté est un produit de l’amour en action et non un simple intérêt personnel. La communauté peut briser notre ego, nous ouvrir à l’expérience d’un Dieu au-delà de nos conceptions individuelles; nous enseigner que notre vérité est fragile et incomplète, que nous aurons besoin de nombreuses années pour entendre la plénitude de la parole de Dieu dans nos vies. Les déceptions de la vie communautaire peuvent être transformées par la prise de conscience que le seul pouvoir fiable dans la vie se trouve au-delà de toutes les structures et de toutes les relations humaines. -Parker J Palmer (1977).
3.32. L’assemblée n’est pas tant un lieu à l’abri du monde qu’un lieu où Dieu nous façonne pour que nous devenions son instrument dans le monde. La réalité primordiale est notre relation avec Dieu; le monde est une arène dans laquelle cette relation est vécue. -Lloyd Lee Wilson (1993).
3.53. Ce que signifie être membre d’une assemblée est très clair pour moi. L’adhésion est d’abord spirituelle; elle ne repose pas sur un accord doctrinal, ni sur notre mérite, mais sur une attitude d’humble apprentissage; être Ami est un mode de vie qui implique des responsabilités, notamment envers la Société des Amis. — Philip L. Martin (1974).
3.33. Vivre les aspects immanents et transcendants de la spiritualité en tant qu’Ami n’a jamais été une affaire privée. Les structures quakers dépendent des expériences intérieures partagées par les membres comme fondement du culte, des décisions collectives et de toute action sociale et humanitaire. La voie quaker s’appuie sur la foi comme base à la proposition apparemment irrationnelle selon laquelle les inspirations des individus peuvent conduire une communauté à l’unité et au pouvoir spirituel, et non au chaos et au démembrement. — Ursula Jane O’Shea, 1993
3.37. N’oublions pas que l’Esprit nous a donné notre communauté de foi, l’assemblée, pour tester ce que nous croyons entendre, pour partager nos vécus et apprendre les uns des autres, pour encourager chaque Ami à agir selon son appel et pour discerner quand nous ne sommes pas appelés à agir. Le don de la communauté… pour nous réconforter quand nous pleurons, nous donner un lieu de repos et de sécurité quand nous avons peur, nous confronter lorsque nous somme complaisants ou que nous faisons des faux-pas et célébrer ensemble notre fidélité. Notre assemblée/communauté en est capable, car nous avons appris à nous connaître dans ce qui est éternel, comme le disaient les Amis d’autrefois… C’est notre intention de prendre le risque de partager l’Esprit les uns avec les autres, de prendre le temps de s’écouter vraiment les uns les autres, de grandir ensemble dans l’amour. Oh, chers Amis, qui avez volontiers ouvert vos cœurs et vos maisons quand nous avons voyagé parmi vous, regardez la communauté bénie dont vous avez hérité et soyez bien conscients de veiller à continuer à l’entretenir. Rappelez-vous souvent ce que vous savez déjà, à savoir qu’il n’y a pas d’opposition entre ceux qui appellent l’assemblée à s’approfondir spirituellement, à connaître plus intimement Dieu et le Christ (comme les mystiques et les contemplatifs), et ceux qui appellent à la foi en action (comme ceux qui demandent que l’assemblée travaille pour la paix et la justice). Les racines et les fruits sont interdépendants, essentiels pour la survie de l’arbre (la communauté de foi); que l’un ou l’autre soit amoindri et l’arbre risque de dépérir. Nous avons tous reçu des dons de l’Esprit, et nous sommes appelés à les utiliser de manières diverses. Et le plus grand don, c’est l’amour. » — Deborah Fisch.
3.39. L’assemblée d’affaires – mensuelle, trimestrielle et annuelle, ou autre – s’ouvre toujours en silence [en attente de l’Esprit] et se ferme en silence. Assemblée profondément religieuse, impressionnante, solennelle… C’est une coutume établie que rien ne se décide sans unité, c’est-à-dire sans l’approbation solide de l’assemblée. Dans la plupart des cas, pendant l’examen du problème, se développe un esprit de soumission, de conciliation et de compréhension mutuelle. Un Ami à l’esprit conciliant trouve une proposition inclusive qui lie les aspects positifs des propositions divergentes et rallie toute l’assemblée en harmonie avec son objectif principal. Alors se font entendre plusieurs réponses : « J’approuve », « Je me rallie », « J’aime ça ». Le fait même qu’aucune action ne puisse être entreprise avant que l’unité ne soit atteinte nécessite une approche inclusive des différentes perspectives. Au lieu de bloquer l’action, ce processus encourage l’élargissement du champ d’action. Il entraîne les Amis vers un principe unificateur plus élevé, afin de satisfaire les différends et répondre aux diverses attitudes. La coutume quaker de rassembler l’esprit était fondée sur leur vie religieuse, « chercher ce que Dieu veut de nous ». Si la vie religieuse s’assèche, la méthode s’affaiblit. -Rufus Jones (1921).
3.40. Née dans une période de crises politiques et philosophiques, enfant légitime d’une prise de conscience individuelle et de protestation publique, notre Société a toujours eu le génie de transformer le stress et l’agitation en tensions créatives – de résoudre les différences bien ancrées par un processus d’écoute [dans l’Esprit] en confiance et en amour. Ce processus tend à dissoudre les zones dures de l’antagonisme et reconnaît les différences légitimes comme étant un stimulus qui conduit à une approche perspective plus large. — Hugh Campbell-Brown (1970).
3.44. Évidemment, la décision d’une animatrice concernant le « sens ou de l’esprit de l’assemblée » ne réjouira pas non plus chaque membre, même à la suite du processus de discernement et d’approbation commune… Il faut, disons, une humilité participative des membres assemblés dans le processus décisionnel quaker pour qu’il puisse fonctionner efficacement. Dans ce processus, dont j’accepte [même par silence volontaire] la décision, je suis amené à réaliser que la question a été soigneusement et patiemment examinée. J’ai été impliqué tout au long du processus et j’ai eu l’occasion, à différents stades, de faire connaître mon point de vue au groupe qui l’a prise sérieusement en considération. La décision que nous développons ensemble peut aller à l’encontre de ce que j’ai initialement proposé; mais je sais que ma contribution a aidé à tempérer ou régler la question; ainsi, au cours du processus, ma perspective a aussi été tempérée… en tant qu’Ami d’expérience, je ne m’oppose plus à la décision. Je lui donne mon nihil obstat [« Je ne me mettrai pas en travers du chemin »] et j’émerge de l’assemblée non pas en tant que membre d’une minorité contournée et rejetée mais plutôt en tant que compagnon de route, participant dans la recherche d’une voix commune, même si elle ne retient pas mon accent particulier. — Douglas V. Steere (1988).
3.45. Le but de nos assemblées d’affaires est justement celui-ci : nous ne nous réunissons pas pour prendre des décisions, mais pour construire une communauté de témoins : qu’avons-nous trouvé ensemble? Le but de l’assemblée n’est pas d’obtenir l’unanimité. J’ai participé à l’expérience de donner mon assentiment à la position de la rencontre avec laquelle j’étais en désaccord, sachant que c’était celle de l’assemblée. En pleurs, j’ai souhaité que l’assemblée puisse aller plus loin, parce qu’elle ne m’apparaissait pas complètement prête. Mais ce n’était pas le cas. Que signifiait mon assentiment avec la position de l’assemblée sinon mon appartenance à la communauté de foi là où elle était [sur la route de l’Esprit]. Constater clairement où nous sommes arrivés, nous permettra plus tard d’avancer. — Jan Hoffman (1988).
3.46. L’un des plus grands obstacles à la réalisation de notre vision à l’Assemblée annuelle canadienne est la peur du conflit. C’est une peur commune parmi les Amis, beaucoup la partagent avec moi, j’en suis certaine, que ce soit la peur de certains mots, ou de certaines croyances. Nous avons peur de déranger — on ne veut pas être difficiles — on ne veut pas faire de mal à l’autre. Ainsi nous restons muets, nous n’arrivons pas à partager de manière ouverte et aimante, nos différences de pensée, de parole ou de vécu : ce qui nous aiderait tous à grandir. Cherchons une autre voie, pouvons-nous travailler ensemble à ce sujet? -Betty Polster (1988).
3.66. Ne sous-estimons pas notre propre capacité à nous aider les uns les autres. Peut-être que nous déléguons aux comités trop de responsabilités? Soyons attentifs à ce que nous pouvons apporter nous-mêmes… des attentions très simples, appropriées et utiles. Un sourire peut prendre une signification qui est bien au-delà des apparences. Pensons toujours à l’autre, moins à ce qu’il pense envers nous. Le soin de l’autre s’exprime souvent par des attentions, des petits gestes. — Assemblée annuelle canadienne (1980).
Chapitre 4: les témoignages
4.4. Beaucoup de nouveaux membres sont attirés par les Amis à cause de leurs témoignages de paix, de simplicité, d’écoresponsabilité, d’égalité, de communauté et d’intégrité. Bien que cette attirance ne soit pas nécessairement mauvaise, le danger est d’éclipser le fondement spirituel qui les sous-tend de telle sorte que ces témoignages deviennent des fins en soi, des credo. Ils peuvent être de bons principes mais demeurent de simples principes. Sans l’inspiration de l’Esprit, ils disparaîtront et seront perdus dès qu’ils seront mis à l’épreuve lors d’une rencontre avec un monde qui aura des principes contraires. Ce danger est réel parce que souvent les Amis n’expliquent pas clairement aux autres que leurs témoignages sont les fruits de leur fondement spirituel, et non leur fondement même. Nous ne sommes pas Amis parce que nous avons embrassé l’idée du pacifisme ou d’une vie simple ou de l’égalité pour les deux sexes. Nous sommes quakers parce que quelque chose en nous nous a convaincu de vivre cette paix avec nous-mêmes et avec autrui, simplement, dans l’amour de Dieu, qui peut nous appeler à vivre d’autres témoignages suscités par cette expérience. — Robert Griswold (2005)
Égalité
4.46. Le Saint-Esprit, que nous partageons tous, nous rend égaux. Rappelons par nos différences le nombre infini de façons dont l’Esprit se présente. Que ce soit des différences de classe, d’intelligence, d’éducation, d’expérience, de talents, de couleur, de langue, de genre, d’orientation sexuelle, de coutumes, etc.. Ces différences peuvent aussi créer des barrières principalement à cause de notre incapacité à interpréter avec justesse les actions, les motivations et les objectifs des autres. Cette incompréhension est au cœur des préjugés raciaux et ethniques, car lorsque nous craignons l’inusité ou l’inconnu, nous avons tendance à le refuser et à le rejeter. — Assemblée annuelle de New York (1995)
Paix
4.22. Une bonne fin ne peut pas se sanctifier de mauvais moyens : nous ne devons jamais faire le mal pour que du bien en sorte. Sommes-nous trop prêts à riposter plutôt que pardonner et vaincre par l’amour et la compréhension? Pourrions-nous faire du mal à un homme en sachant qu’il nous aime? Essayons donc de voir ce que fera l’amour. Car si les autres arrivent à voir que nous les aimons, pourquoi voudraient-ils nous nuire? La force peut subjuguer, mais l’amour vaincra : et celui qui pardonne en premier mérite la victoire. -William Penn (1693)
Intégrité
4.17. Nous connaissons la vérité à travers ce que nous voyons, lisons, faisons et ressentons. Gravons nos témoignages dans notre vie : chaque fois plus profondément, afin d’affirmer ce que nous croyons et afin de faire ce que notre âme nous appelle à vivre. Tout en apprenant du passé, nous vivons dans le présent, cherchant un avenir pour toute la création. Affirmons notre propre place dans l’histoire qui se réalise, en vivant et en parlant en vérité pour nous et nos enfants…
Répondre à l’appel de notre conscience, vivre avec passion et conviction, allumera dans notre for intérieur le feu de la vérité et de la droiture. Ici, dans la mouvance de notre intuition, dans nos entrailles, trouvons l’appel passionné de nos croyances, de nos amours, de notre place dans ce monde chaotique, de nos réponses (ou consolations) aux questions qui nous confrontent. Chacun de nous ressent la passion de la Vérité. C’est notre choix d’écouter, d’agir, ou non. La vérité peut nous faire peur, car elle nous demande d’aligner notre cœur. En écoutant notre cœur, nous nous retrouvons dans le champ de pouvoir de l’Esprit, duquel nous cherchons la vérité. — Jane Orion Smith (1994)
Communauté
4.66. Quand la justice se réduit à la punition, elle devient un simple jeu de vengeance, des douleurs engendrant d’autres douleurs. Pour que l’humanité réalise la paix, il nous faut redéfinir la justice comme étant un processus [restauratif] nous permettant de continuer à vivre ensemble, même après que l’un ait causé du tort à un autre. Dès lors la justice doit être mesurée par la façon dont nous vivons notre existence en intégrant la paix et la productivité en coexistence et non pas par la mesure de la sévérité des sanctions imposées à ceux qui sont jugés responsables d’une transgression. -Marc Forget.
Écoresponsabillité
4.47. Nous affirmons que l’interdépendance de la nature, l’esprit et tous les êtres vivants, sont autant d’expressions de la création de Dieu. Cela nous incite à adopter un mode de vie holistique, à la fois pour nous et pour le monde, afin de guérir la terre. Nous sommes responsables de ce que nous mangeons, portons et utilisons. Pour paraphraser John Woolman : soyons ouverts à reconnaître que les graines de la destruction de notre planète sont bien présentes dans nos manières de vivre. Soyons reconnaissants que tant de joie et de beauté nous soient offertes. -Assemblée annuelle canadienne (1992).
Simplicité
4.44. Si nous pouvons l’atteindre, comment la simplicité façonne-t-elle nos vies? Avoir besoin de peu, s’éloigner des extrêmes et des excès, nous apporte une plénitude différente, une richesse simplifiée. La simplicité nous donne la tranquillité, nous évite de courir après quelque chose, de le saisir, de le consommer de s’y attacher comme un avare. La simplicité est au cœur du mode de vie quaker. Maintenir cette simplicité, c’est réaliser que c’est la Lumière intérieure qui nous conduit, nous retient, nous inspire. Sachant que cette Lumière Divine nous habite, nous sommes tous des enfants de cette Lumière, tous égaux. Se contenter de peu mène à la paix. La vérité simple nous mène à l’intégrité. Ainsi, tous les témoignages se reflètent dans la simplicité. Réduisons pour moins désirer. Cela semble un concept difficile dans le monde pressé et frénétique d’aujourd’hui. Des voix stridentes nous crient d’acheter, d’accumuler et de nous conformer sans poser de questions; elles encouragent la cupidité et l’excès. Difficile d’aller à l’encontre de toutes les pressions qui nous éloignent de la simplicité; pourtant, la maintenir c’est retourner à Dieu. C’est un soulagement, le seul choix viable que nous puissions faire… Les premiers Amis témoignaient contre l’extravagance et le snobisme du monde de leur époque. Du superflu de la société, ils se sentaient appelés à s’en détourner pour retourner en silence vers Dieu. Comme nous. Un trop-plein de trivialité et de médiocrité nous distrait de l’essentiel, du positif et de la vérité simple du fait que nous sommes enfants de Dieu et que notre premier devoir est d’aimer Dieu avec tout notre cœur, tout notre esprit et toute notre force. -Anne-Marie Zilliacus (2001).
Chapitre 6: Conseils et questions
6.27. Vivre une vie d’aventure. Lorsqu’une opportunité se présente, est-ce que je choisis le chemin qui m’offre la meilleure occasion d’utiliser mes dons au service de Dieu dans la communauté? Laissez parler votre vie! En assemblée, lorsque des décisions doivent être prises, suis-je prêt à me joindre aux autres afin de partager des conseils, obtenir un éclaircissement et être guidé par Dieu? — Conseils et questions, Assemblée annuelle canadienne, Foi et pratique.
Organisation et procédure de l’Assemblée annuelle canadienne
Les débuts
Au milieu du 17e siècle en Angleterre le questionnement religieux s’accompagne de bouleversements sociaux. Parmi de multiples chercheurs chrétiens inquiets se trouve George Fox (1624-1691), fondateur de la Société des Amis. De famille pieuse, il reste insatisfait des cérémonies des églises établies, leurs credos imposés et leurs pratiques. À dix-neuf ans, Fox quitte le toit familial, errant pendant plusieurs années, en discutant de la Bible avec les prédicateurs et leurs auditoires, mais sans y discerner clairement l’appel de Dieu. Enfin, comme il écrira plus tard dans son Journal :
Alors qu’ayant perdu tout espoir dans les hommes, de sorte que je n’avais rien d’extérieur pour m’aider ou me dire quoi faire, j’entendis une voix qui me dit : « Il n’y en a qu’un, l’éternel Christ Jésus, qui puisse parler à ta condition », et quand je l’entendis, mon cœur sauta de joie. »
Alors il fit l’expérience [en vérité] en son temps et son monde, de la foi de l’évangile de Jean qui dit « la vraie lumière qui illumine tout homme est venue au monde ».
Pour lui, ce fut une nouvelle révélation. Pourtant, sa découverte réaffirme le sacerdoce de tous les croyants (selon Luther) et est tirée inconsciemment de l’expérience accumulée des saints et des mystiques. Bien que les puritains aient également réaffirmé le pouvoir du Saint-Esprit dans le cœur des gens, Fox croyait que ses contemporains s’abstenaient de faire confiance à la Semence, autre nom sous lequel se désigne la Lumière Intérieure. Il savait par expérience, confirmé par l’étude approfondie de sa Bible, que cette Lumière ou cet Esprit est la source de l’unité, joignant le bien en chacun de nous au bien de notre prochain et identifiant le mal qui se révèle en l’hypocrisie. » — Assemblée annuelle canadienne, Organization & Procedure, section 1.1
Les Amis ont parlé avec leurs mots et leur vie. À un degré inhabituel à l’époque, ils pratiquent l’égalité des sexes, l’égalité sociale, l’égalité des âges; la simplicité dans les vêtements, la parole et le mode de vie et aussi la paix, en se retirant de l’armée et en réglant les différends entre eux. Suspectés parce qu’ils étaient perçus comme subversifs par les rois Stuarts, dès la Restauration, ils publient leur premier témoignage de paix en 1660. De tels témoignages, hérités principalement de l’aile anabaptiste du protestantisme, sont défendus par des citations bibliques. À cause de l’application de ces témoignages, de nombreux Amis sont emprisonnés, fouettés, marqués, condamnés à une amende et expulsés. Les pénalités pouvaient varier selon la trempe et la localité des juges, mais devinrent plus sévères après le rétablissement de l’Église d’Angleterre sous Charles II. » — Assemblée annuelle canadienne, Organization & Procedure, section 1.1 Amérique du Nord
En 1682, William Penn établit une colonie en Pennsylvanie : une « expérience sacrée ». Parmi ses premières interventions, il rencontre la Première nation des Leni Lenape à Shackamaxon, où il signe un traité de paix et d’amitié. En raison de leur respect mutuel, les quakers et les Autochtones vivent en paix en Pennsylvanie pendant plus de 70 ans. William Penn, la colonie des Amis à Rhode Island, ainsi que d’autres chefs quakers aux Jerseys et en Pennsylvanie, sont les meilleurs exemples du quakerisme politique. Ils étaient prêts à tenir le pouvoir d’état afin de le rapprocher de la Vérité. Le conseil de Penn était : « Tenez la barre à travers la tempête afin de diriger le navire vers le bon port ».
Les Amis n’étaient qu’une des nombreuses communautés religieuses installées en Amérique au 18e siècle. Difficile de se mêler aux « gens du monde » et aux « gouvernements du monde ». Difficile d’y pratiquer les témoignages des Amis tels que la simplicité, le refus de prêter serment, et les témoignages de paix. Par conséquent, les Amis retirèrent partiellement leur participation au sein du gouvernement. Certains magistrats quakers ont démissionné plutôt que prêter serment; les Amis de Pennsylvanie quittent le gouvernement en 1756 plutôt que de lever un impôt de guerre contre les Français et les Indiens.
Le contact avec les peuples autochtones et les Africains détenus en esclavage en Amérique mène au développement de nouveaux témoignages, énonçant le principe d’égalité. Mais les progrès furent lents et variables jusqu’à la fin des années 1750, lorsque John Woolman entame sa mission auprès des peuples autochtones et plus particulièrement auprès des quakers trafiquants ou maîtres d’esclaves. Avec Anthony Benezet et d’autres, il travaille à éveiller la conscience des Amis jusqu’à ce que l’abolition de l’esclavage et la traite des esclaves soient approuvées par la Société en 1787. Cet appel à la conscience a perduré, mais avec de pénibles lenteurs quant aux nouvelles applications.
L’éducation a toujours été importante pour les Amis, qui fondent la William Penn Charter School en 1689, suivie d’autres au Rhode Island, à New York et en Pennsylvanie au cours du siècle suivant. Entourés de différentes sectes protestantes et catholiques, les Amis ont tenté de maintenir leur identité en imposant des règles strictes à leurs membres. Ils décourageaient le port de vêtements à la mode, la pratique d’activités artistiques et musicales, ainsi que le mariage hors de la communauté. Contrairement au 17e siècle, alors que les Amis s’activaient à rallier la population générale à leurs témoignages, au 18e siècle, ils se retirent du monde et s’en distancient.
— Assemblée annuelle canadienne, Organization & Procedure, section 1.2
Au début du 19e siècle, deux tendances, réformiste et évangélique, divergent chez les Amis américains. Prenant racine dans la pensée quaker traditionnelle, elles avaient jusqu’alors subsisté ensemble sans compromettre sérieusement l’unité de la Société. La première, qu’on identifie plus tard aux disciples d’Elias Hicks (1747-1830), se nourrit des idées de la démocratie politique et de la Lumière Intérieure qui apporte le salut, plutôt que ce dernier soit obtenu par une expiation du péché par le Christ sur la croix. En conséquence, lorsque les Hicksites se référaient au Christ comme sauveur, ils se référaient au Christ intérieur plutôt qu’au Christ historique. La tendance évangélique [inspirée par Joseph John Gurney, 1788-1847] est centrée sur le Christ de l’histoire sainte et sur l’autorité biblique fondamentale évoqués par certains pasteurs populaires. Les deux tendances reflètent des mouvements dominants dans la pensée protestante d’alors. Fort heureusement, en Angleterre, ces divergences ne produisent qu’une petite séparation, celle des Beaconites. Toutefois la tension entre les tendances américaines s’aggrave et aboutit à une division majeure du Philadelphia Yearly Meeting en 1827. S’ensuivent d’autres séparations amères à l’intérieur d’autres assemblées, tous ces groupes continuant à réclamer le titre de Société religieuse d’Amis. — Assemblée annuelle canadienne, Organization & Procedure, section 1.3.
Canada
Durant la première moitié du 19e siècle, des Américains, y compris des quakers, émigrent de la côte est vers l’Ancien Nord-Ouest [la région des Grands Lacs], l’Ontario, l’Iowa, le Kansas, l’Oregon et la Californie. L’historien de la Société religieuse des Amis au Canada, Arthur Garratt Dorland, écrit : « La migration des Amis vers le Haut-Canada était simplement la frange de ce grand mouvement vers l’ouest dont les personnes venues dans cette province constituaient un petit fragment. L’établissement de communautés quakers au Canada fut le fait d’une immigration provenant des États-Unis et non, comme il est souvent perçu, le fait de loyalistes œuvrant pour la cause d’un empire uni. Ces derniers avaient activement pris le parti du Roi [dans la Révolution américaine] alors que les Amis, comme je l’ai indiqué ci-dessus, devaient nécessairement être neutres puisqu’ils demeuraient membre accrédités de leurs assemblées parentes. — Assemblée annuelle canadienne, Organization & Procedure, section 1.3.
Une assemblée annuelle unie au Canada
Un désir d’unité se manifeste en 1928 cent ans après la Grande Séparation, lorsque se tiennent des séances conjointes et simultanées du Genesee Yearly Meeting (General Conference) et du Canada Yearly Meeting (Five Years Meeting); ainsi qu’une assemblée conjointe similaire entre les deux branches parentales, les New York Meetings. Pendant ce temps, d’autres signes exprimaient clairement la convergence des Amis canadiens. En 1933, plusieurs jeunes “Conservative Friends” participent au camp NeeKauNis pour la première fois. Dès lors, les jeunes Amis prendront une part de plus en plus importante dans le mouvement vers l’unification. S’étant recueillis ensemble, et ayant travaillé et joué au Camp NeeKauNis, au fil des ans, ils ne reconnaissaient aucune différence significative qui puisse les distinguer. En 1944, alors que la terrible Deuxième Guerre mondiale tire à sa fin, le Canada Yearly Meeting (Conservative) décide de se joindre en séances simultanées aux deux autres assemblées au Collège Pickering. Une étape importante a été franchie en vue d’une union organique des différents Amis canadiens. En 1954 un comité est désigné afin d’étudier la possibilité d’un rapprochement par affiliation. “L’unité a été une montée croissante au cours des années de séances conjointes, nous acceptons maintenant le désir des Amis de former une assemblée annuelle unique au Canada… Nous voici prêts à procéder avec les moyens par lesquels cela peut s’effectuer.” Lorsque le procès-verbal de l’enregistrement de cette décision a été accepté, le Comité a en outre été chargé d’apporter des recommandations dès l’année suivante pour qu’une procédure de base soit appliquée afin dorénavant de ne former qu’une seule assemblée annuelle.
L’éclosion de l’affection et de la familiarité entre les membres travaillant sur des projets communs rend difficile de revenir aujourd’hui sur les divisions du dix-neuvième siècle. Accepter la variété des perspectives présentes dans l’Assemblée annuelle canadienne est l’expression externe d’une unité intérieure. Au fur et à mesure que les Amis s’approchent les uns des autres, ils se rapprochent de Dieu. — Assemblée annuelle canadienne, Organization & Procedure, section 1.5.
Qu’est-ce qui rend l’expérience quaker de notre assemblée annuelle si particulière? Considérons d’abord la provenance des quakers canadiens, c’est-à-dire leurs racines, tant sur le plan géographique que sur le plan théologique. Les colons quakers qui commencent à arriver à la fin du 18e siècle et au début du 19e siècle en tant que pionniers, se déplaçant vers le nord des États-Unis maintenant indépendants, sont membres d’assemblées américaines existantes, ceux-là mêmes qui subiront bientôt les perturbations et les blessures des amères séparations. Ils apportent avec eux les orientations doctrinales des assemblées auxquelles ils étaient affiliés, ainsi que les pratiques détaillées dans leurs propres livres de discipline.
Au 20e siècle plusieurs petites communautés rurales quakers commencent à voir leur population diminuer. Les jeunes émigrent vers les villes. Principalement après la Deuxième Guerre mondiale arrivent des Amis anglais et européens qui apportent avec eux une tradition aux fondements différents. Ces nouveaux arrivants donnent un élan à de nouvelles assemblées en milieu urbain, souvent installées à proximité d’une université. De telles assemblées en développement attirent des participants qui ne sont pas nés dans une tradition quaker : des Amis « par conviction ». Aujourd’hui, une grande proportion des Amis au Canada ont joint la Société alors qu’ils étaient devenus adultes et par conviction; peu d’entre eux ont grandi dans des familles quaker ou des communautés quakers.
Chapitre 8: Comités de clarification (discernement), comités d’assistance, et comités de supervision
Section 8.1. Face aux décisions difficiles, à des appels impératifs, je peux demander aux autres Amis de m’aider à discerner la volonté de Dieu et la direction de l’Esprit dans ma vie. Face aux situations difficiles, je peux demander de l’aide et des encouragements de la part des Amis afin de mener à bien mes tâches. (Et à la manière des Amis, je dois aussi aider mon voisin). Parfois cette assistance se fait de façon informelle mais parfois l’assemblée prend l’initiative de nommer des Amis qui offriront à ceux qui sont dans le besoin, leur présence, leurs prières, leur amour et leur soutien. L’assemblée peut choisir entre trois types de comités : les comités de clarification, les comités d’assistance et les comités de supervision. Dans le travail de tous ces comités, la qualité du processus de clarification et de discernement est primordiale.
Conseils et questions du Groupe languedocien de l’Assemblée de France
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